En juin 2016, au salon Transports Publics, elles étaient l'attraction vedette. Les navettes autonomes sont des véhicules de petite capacité ayant la faculté de circuler sans conducteur. Plusieurs expérimentations ont lieu en France avec différents modèles de véhicules à délégation de conduite.
Le développement de ces technologies est lancé depuis longtemps. Dès 1997, la société néerlandaise 2getthere a exploité des navettes électriques autonomes aux Pays-Bas et Belgique. Cette entreprise a été rachetée par ZF en 2019.
Il existe des systèmes automatiques de transport de passagers depuis longtemps. Il s'agit des métros automatiques (ex : VAL) qui évoluent en site propre intégral. La nouveauté est que ces navettes sont conçues pour circuler sur la voie publique. Elles ont donc des interactions avec les autres véhicules, les piétons, les cyclistes et les infrastructures (ex : feux de circulation).
La sécurité est un élément clé de ces véhicules. Pour circuler sans danger, plusieurs systèmes sont combinés : caméras, lidars, lasers, GPS, odomètre… A l'intérieur, en cas de problème, les passagers peuvent immobiliser la navette à l'aide de boutons d'arrêt d'urgence.
Les concepteurs jugent ces véhicules plus sûrs que ceux avec conducteur car ils suppriment l'erreur humaine à l'origine de la plupart des accidents.
Les essais sur la voie publique se font toujours à un opérateur de sécurité à bord : un conducteur titulaire du permis D. Il peut reprendre en conduite manuelle la navette en cas d'obstacle (ex : présence d'un véhicule en stationnement qui déborde sur la voie de circulation).
L'ouverture d'une ligne exploitée avec des navettes autonomes nécessite une préparation sur site. Il faut configurer les navettes pour qu'elles puissent circuler sur l'itinéraire (reconnaissance du trajet) et marquer les arrêts (repérage GPS). Les navettes doivent également communiquer avec d'autres systèmes comme les feux de signalisation routière.
Plusieurs modes d'exploitation sont disponibles : desserte de tous les arrêts, dépose à la demande ou appel d'une navette via une application sur smartphone.
La supervision de ces navettes est effectuée par les opérateurs, soit avec les outils des constructeurs, soit à l'aide de solutions tierces comme celle développée par la société suisse Bestmile. Cette société a été rachetée en 2021 par ZF.
Un site de remisage des navettes est également nécessaire pour permettre de recharger leurs batteries.
En France, le secteur des navettes autonomes est dominé par de nouveaux acteurs. Les sociétés EasyMile et Navya ont été fondées en 2014.
Le modèle EZ10 de la société EasyMile est d'une capacité de 12 personnes (6 assises, 6 debout). Ce véhicule est totalement symétrique.
L'EZ10 a fait l'objet d'une démonstration à Paris les 24 et 25 septembre 2016 par son constructeur et la RATP.
Quelques jours plus tard, une autre navette EZ10, aux couleurs de Transdev, était en essai lors du salon Autonomy à Paris.
Navya Autonom Shuttle est une navette autonome qui a été lancée en octobre 2015. Elle peut transporter jusqu'à 15 passagers.
La version la plus récent est nommée Autonom Shuttle Evo. Entre septembre 2015 et juin 2020, 170 exemplaires ont été commercialisés dans le monde.
Le 25 janvier 2023, Navya a demandé à être placé en redressement judiciaire. En avril 2023, Navya est repris par les groupes Gaussin (France) et Macnica (Japon). Les deux partenaires ont créé la joint-venture GAMA (Gaussin Macnica Mobility).
Navya vend sa technologie à des constructeurs qui peuvent intégrer les systèmes dans leurs véhicules. En février 2021, un partenariat a été lancé entre Navya et Bluebus pour concevoir des Bluebus IT3 de 6 mètres autonomes.
Ces projets ont été retardés en raison de la reprise de Navya par Gaussin et Macnica.
Le constructeur Lohr développe la navette i-Cristal, dérivée du modèle Cristal. En novembre 2017, Transdev et Lohr ont signé un partenariat. Début 2019, Transdev a conclu un accord commercial avec Torc Robotics pour équiper la navette de ses capteurs et de la suite logicielle Asimov. En février 2021, Lohr a annoncé que sa navette va intégrer le système de conduite autonome développé par Mobileye.
Ces projets ont été abandonnés.
La société développe une gamme de navettes autonomes.
Un projet avec Vinci Autoroutes et Lacroix-Savac concerne l'exploitation d'une ligne sur l'A10 entre Briis-sous-Forges et la gare RER de Massy.
À Paris, une navette est en essai à partir de juillet 2023 dans le secteur des gares de Lyon, de Bercy et d'Austerlitz. Elle a été accessible gratuitement au public (7 places) entre le 18 septembre 2023 et le mois d'octobre 2023.
L'Agglomération de La Rochelle doit expérimenter quatre Milla minibus d'une capacité de 20 passagers en 2024 dans une zone peu dense de 8 communes.
La société Imagry a équipé le minibus électrique e-Centro avec son dispositif de conduite autonome (niveau 4).
En mai 2024, Renault Group a annoncé son association avec l'entreprise chinoise WeRide pour une navette autonome de niveau 4. Il s'agit du modèle Xiaoyu 2.0 produit par Yutong. Deux navettes sont en démonstration à l'occasion du tournoi de Roland-Garros à Paris du 20 mai au 9 juin 2024 de 11h à 19h.
Renault Group développe une plateforme robotisée de minibus électrique sur la base du Nouveau Renault Master. Ce véhicule va pouvoir intégrer les solutions d'automatisation développées par EasyMile, Milla ou WeRide. En 2026, le projet Mach 2 va permettre à des navettes de ce type de circuler à Châteauroux.
D'autres industriels développent des systèmes de navettes autonomes. La société ZF travaille en Allemagne sur le projet RABus.
Gaussin a annoncé début 2021 l'acquisition de 10 minibus électriques Bluebus afin de les transformer en navette autonome.
Le Bluebus de 6 mètres lancé en 2021 est conçu pour recevoir des équipements de conduite autonome.
Voici quelques exemples d'expérimentations de navettes autonomes. De nouveaux essais sont régulièrement lancés.
Depuis avril 2016, une filiale de Transdev exploite 6 navettes Navya Arma au sein de la centrale nucléaire. Ces navettes transportent le personnel qui travaille sur le site. L'intervalle de passage est de 3 min alors que le service précédent de bus offrait un passage seulement toutes les 15 min.
En septembre 2016, à Lyon, le service Navly a été lancé pour un an. Deux navettes Navya Arma sont en exploitation par Keolis dans le nouveau quartier de Confluences.
Un opérateur est à bord de chaque navette pour accueillir les passagers et assurer la sécurité.
La RATP teste des navettes autonomes en bordure du bois de Vincennes. Prochainement, une navette Navya devrait cohabiter avec les navettes EasyMile. L'objectif est de tester qu'il est bien possible de faire fonctionner ensemble des navettes de plusieurs fournisseurs. Cette navette ne circule plus.
Une navette, la ligne 490, a été exploitée par Keolis Versailles entre mars 2021 et juin 2022 avec 3 véhicules Navya.
Début 2021, le constructeur turc Karsan communique sur son autobus autonome e-Atak.
Ce véhicule utilise le logiciel flowride.ai Level 4 Autonomous développé par ADASTEC.
La RATP teste depuis septembre 2021 un bus autonome CRRC sur la ligne 393. Il circule de manière autonome sur une partie de l'itinéraire (6 km en site propre), la nuit pour des essais. En quelques mois, il a parcouru 2500 kilomètres à la vitesse maximale de 30 km/h. Ce bus sera équipé de capteurs supplémentaires, il devrait circuler à nouveau à l'automne 2022.
Le conducteur reste présent au poste de conduite, à tout moment il peut reprendre la main.
Cet autobus CRRC a débuté une expérimentation sur la ligne 393 avec des passagers à bord (18 places assises avec ceinture) en septembre 2023. Il circule aux heures creuses (10h-15h) du lundi au vendredi. À bord, un opérateur de sécurité est au poste de conduite et un agent accompagne les voyageurs.
EasyMile et Iveco Bus travaillent sur un prototype de bus autonome. Le véhicule, un Urbanway de 12 mètres a été équipé de la technologie EasyMile, avec de nombreux capteurs. L'objectif est de commercialiser un bus autonome de niveau 4, à une vitesse maximale de 40 km/h. Les premiers essais sur un réseau de transport public pourraient avoir lieu au deuxième semestre 2022.
Le constructeur MAN Truck & Bus a présenté son autobus électrique Lion's City 12 E à conduite autonome au salon Mobility Move à Berlin en mars 2024. Ce véhicule a été développé dans le cadre du projet BeIntelli. Il embarque la technologie développée par ZEKI, notamment une cinquantaine de capteurs (caméras, ultrasons, radar, lidar 3D).
Au fur et à mesure de l'avancée des technologies, les expérimentations introduisent de nouvelles situations : circulation sur route ouverte, communication avec la signalisation routière (feux tricolores ou bornes d'accès), traversée de passages piétons, passage de carrefours à sens giratoire…
Plusieurs problématiques sont relevées, comme l'orniérage de la chaussée si le véhicule circule systématiquement au même endroit.
Ces expérimentations sont encadrées par l'arrêté du 26 mai 2021 modifiant l'arrêté du 17 avril 2018 relatif à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques. Les véhicules utilisés sont immatriculés avec un certificat WW DPTC (délégation partielle ou totale de conduite). Un dossier de demande d'autorisation est requis pour chaque expérimentation. En fin d'expérimentation, un bilan sur les enseignements tirés des incidents sur la sécurité routière et la cybersécurité est à adresser au ministère de la transition écologique et au ministère de l'intérieur.
En 2022, le projet de navettes NIMFEA (Navettes innovantes modulaires du futur expérimentales et autonomes) entre la gare de Vernon et Giverny (12 km) n'a finalement pas été ouvert au public. La cohabitation entre les voitures et les navettes a été jugée trop dangereuse sur la RD5, une route étroite dont la vitesse est limitée à 50 km/h. Les navettes ne dépassent pas les 20 km/h, elles étaient doublées par les voitures parfois dangereusement. Ce projet était Porté par Transdev et Easymile pour le compte de Seine Normandie Agglomération. Trois navettes devaient circuler d'avril à octobre 2022.
Pour les exploitants de bus et cars classiques, la mise en oeuvre de bus ou navettes autonomes nécessite de développer de nouvelles compétences. Le personnel de conduite devient opérateur et la supervision est assurée à distance.
En France, plusieurs opérateurs expérimentent des navettes autonomes :
Les constructeurs comme Daimler (Mercedes-Benz) nous donnent un début de réponse. En 2016, le constructeur allemand a présenté un autobus semi-autonome, le Future Bus qui possède la fonction CityPilot.
Nul doute que les systèmes de conduite autonome vont se développer. Mais jusqu'où ? Le niveau 5 (autonomie complète partout) sera-t-il atteint ? Ces expérimentations vont servir à valider la capacité technique de ces navettes à évoluer en totale sécurité en milieu urbain.
Il y a également des enjeux sociaux importants derrière ces véhicules. En effet, le secteur du transport public est un employeur important de main d'œuvre, essentiellement pour la conduite des véhicules.
Enfin, des questions juridiques sont à résoudre (qui est responsable en cas d'accident ?) avant que des véhicules totalement autonomes soient autorisés à circuler sur la voie publique.
Voici quelques liens à consulter :
Cliquez pour agrandir. Ces photos sont issues de l'actualité et de la photothèque transbus.org.