Fraude au bonus écologique : plus de 500 faux bus électriques immatriculés entre 2022 et 2023

Article publié sur transbus.org le par Olivier Meyer

Des centaines de fausses immatriculations de ce modèle de minibus ont été enregistrées dans le SIV en 2022 et 2023
Des centaines de fausses immatriculations de ce modèle de minibus ont été enregistrées dans le SIV en 2022 et 2023
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Début 2022, dans le cadre du plan France Relance, le gouvernement a mis en place un bonus pour l'achat ou la location de longue durée de véhicules lourds alimentés à l'électricité ou à l'hydrogène. L'objectif est alors le renouvellement massif du parc automobile pour améliorer la qualité de l'air. Ce bonus était de 30 000 euros pour les autobus et autocars. À partir du 1er janvier 2023, cette aide a été réservée aux véhicules électriques de la catégorie M2 (minibus).

Pour l'obtenir, le formulaire CERFA 13621*15 « Bonus écologique et prime à la conversion » était à compléter et à envoyer par email à l'Agence de services et de paiement (ASP). Ce document devait être accompagné du certificat d'immatriculation du véhicule acquis, de la copie de la facture du véhicule acquis/copie du contrat de location, de la copie du bon de commande daté, d'un extrait Kbis (dans le cas d'une personne morale) et d'un RIB. La demande devait être formulée dans les six mois suivant la date de facturation du véhicule ou de versement du premier loyer dans le cas d'une location. Le versement de l'aide était ensuite effectué par l'ASP au nom de l'État.

Ce dispositif a donné lieu à une vaste fraude révélée par Le Monde le 25 décembre dans un article intitulé « comment de faux bus électriques ont permis de détourner des millions d’euros de primes écologiques ». Cet article, publié dans le cadre d'une enquête sur les fraudes aux immatriculations, permet de comprendre comment les fraudeurs ont déclaré des bus qui n'existent pas dans le seul but d'obtenir le versement de cette subvention publique.

transbus.org avait déjà relevé l'existence de ces véhicules fictifs enregistrés dans le système d'immatriculation des véhicules (SIV) dans l'article « Bus et cars : bilan des immatriculations 2023 » publié en janvier dernier.

L'analyse détaillée des immatriculations d'autobus de 2022 et 2023 par transbus.org permet de déterminer que plus de 500 bus électriques ne correspondant pas à des véhicules réels ont été immatriculés entre mai 2022 et juin 2023. Trois modèles de bus ont été utilisés pour cette fraude : Karsan eJest (véhicule de catégorie M2, 492 cas), Bluebus 6 mètres (catégorie M3, 11 cas fin 2022) et Heuliez GX 337 Elec (catégorie M3, 1 seul cas en 2022). Les numéros de série utilisés (VIN) s'intercalent entre ceux des véhicules réels ou présentent parfois des incohérences. Les autres champs relatifs à la description de ces véhicules sont étonnamment tous identiques pour un même modèle. Certains jours, jusqu'à 45 bus électriques fictifs ont ainsi été immatriculés.

Plus gênant, pour six d'entre-eux, les VIN correspondaient à des minibus électriques Karsan eJest bien réels acquis peu après par la Régie Ligne d'Azur à Nice. Leurs demandes d'immatriculation ont été bloquées durant quelques mois, le temps de prouver qu'elles correspondaient cette fois à des véhicules existants.

Au total, 504 bus électriques fictifs, 201 en 2022 et 303 en 2023, ont été immatriculés au nom de plus de 120 propriétaires différents dans 9 régions, soit une grande partie de la France métropolitaine. Géographiquement, près de 50 % des dossiers sont situés en Île-de-France, majoritairement à Paris et en Seine-Saint-Denis. La plupart de ces immatriculations sont au nom d'entreprises ayant le code APE correspondant à « Commerce de voitures et de véhicules automobiles légers » ou « Entretien et réparation de véhicules automobiles légers ». Pour d'autres, il s'agit de structures à l'activité bien éloignée des transports publics ou de l'automobile, comme « travaux d'isolation », « soins de beauté », « coiffure », « restauration de type rapide », « désinfection, désinsectisation, dératisation » et même une boucherie.

Certaines de ces entreprises ont eu une existence éphémère. L'une d'elles a été radiée par le tribunal de commerce de Cannes seulement trois mois après son ouverture pour usurpation d'identité, d'autres ont été radiées d'office sans plus de précision.

Les services de l'État ont indiqué au Monde avoir détecté ces escroqueries de sorte que « les montants fraudés sont restés bien inférieurs à 10 millions d'euros ». Mais si l'aide de 30 000 euros avait effectivement été versée pour tous ces bus fictifs immatriculés frauduleusement, le préjudice pour l'État aurait pu atteindre un peu plus de 15 millions d'euros.

Cette affaire est sans aucun lien avec les acteurs du transport public. Les aides publiques destinées à l'électrification du parc de bus ont été détournées massivement par des fraudeurs qui ont exploité les failles du SIV décrites par Le Monde pour enregistrer des véhicules sans existence réelle. Ils ont également usurpé des identités pour faire des démarches dans le registre du commerce et des sociétés auprès des tribunaux de commerce.

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